Combattre les causes de la migration

Toutes les versions de cet article : [English] [Español] [français]

États Généraux de la Migration, 18-21 décembre, Kayes, Mali

A l’initiative [1] de la Coordination Sans-Papiers 75 (Paris) et de la Coalition Internationale des Sans-Papiers et Migrant.e.s (CISPM) [2], s’organise du 18 au 21 décembre 2019 à Kayes au Mali, les États Généraux de la Migration (EGM). Un événement important où seront abordées les causes multiples des migrations ; le manque de perspectives professionnelles, l’exploitation frénétique des ressources naturelles et une situation politique et environnementale fragile ont poussé toute une génération de jeunes maliens à entreprendre le dangereux chemin de la migration.

Par Sebastian Franco (Alter Summit)

Il y a peu de lieux plus indiqués que Kayes pour organiser des États Généraux de la Migration. Un tel événement dans une région qui a vu partir tant de jeunes femmes et hommes permet de questionner les causes profondes des migrations : appauvrissement généralisé [3], extractivisme prédateur – impliquant accaparement des terres, pollutions et impacts négatifs sur la santé des populations – et conséquences du changement climatique [4].

La région regorge de matières premières. La production d’or de la région de Kayes [5], où de nombreuses mines sont établies, permet au Mali d’être un important exportateur mondial de ce matériau précieux. Mais la région a également dans son sous-sol de grands gisements de bauxite, de fer et de lithium.

Malgré ces énormes richesses, la région n’offre que peu d’avenir à ses habitants, dont une grande partie a moins de 25 ans. Cette jeunesse qui a fait des études, a un accès à Internet et à la téléphonie mobile est attirée par le monde occidental. Il n’en faut pas plus pour pousser des milliers d’entre eux à prendre le chemin de l’exil.

Une histoire qui se répète

Le constat n’est pas nouveau. En 1997 déjà, les autorités maliennes organisaient la « table ronde du développement de la région de Kayes ». Mais depuis lors, peu de choses ont changé. Les EGM sont donc l’occasion d’interpeller les autorités sur les suites données à cette table ronde et demander un engagement réel de l’état malien dans le développement de la région.

Le Mali fait partie des pays les moins bien classés par l’ONU en terme d’indice de développement humain ; plus de 40% de sa population vit dans l’extrême pauvreté (Banque Mondiale). Economie peu diversifiée, le Mali est vulnérable aux fluctuations des prix des matières premières, en particulier l’or et le coton. En effet, environ 60% de ses recettes d’exportation proviennent de l’or et 20% du coton.

Migration

Le Mali est un pays de transit des migrants ouest-africains en route vers l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et la Libye et ensuite l’Europe. Le pays est historiquement un foyer de main d’œuvre pour les pays limitrophes (Côte d’Ivoire, Sénégal) et au-delà (Soudan, France, Espagne). Il est donc à ce titre un « partenaire stratégique » de l’Union européenne et ses états membres. L’UE y envoie des officiers de liaison « migration » ainsi que dans onze autre pays partenaires « prioritaires » [6].

Le Mali fait partie du Processus de Rabat, la politique européenne de « dialogue » euro-africain sur les enjeux de migration et de développement. De plus, le pays bénéficie de plusieurs projets financés par le Fonds européen de développement ou le Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique. En outre, l’Union européenne est garante de l’accord de Paix signé en 2015.

L’UE est un partenaire majeur du Mali en matière de sécurité. Deux missions de l’UE, une militaire (EUTM Mali) et une civile (EUCAP Sahel Mali), fournissent du conseil stratégique et de la formation aux forces armées et de sécurité du Mali. Le Mali participe en outre au G5Sahel, une initiative de coopération et de coordination régionale dont un des objectifs principaux est la sécurisation de la région. Cette initiative, bien que régionale, bénéficie de l’appui de la France, l’Union européenne et plus récemment les États-Unis.

Les États Généraux, une initiative pertinente et cohérente

Ces EGM, en réunissant les populations locales, les élus, la diaspora et des experts discuteront durant 4 jours des enjeux de développement qui conditionnent la migration. Il s’agira d’arriver à dégager des propositions de réalisations concrètes pour le développement la région.

L’événement commencera par une manifestation le 18 décembre 2019, Journée Internationale de la Migration. De nombreux ateliers aborderont les questions environnementales (dont la protection de la rivière Falémé), la nécessité d’éducation et de formation, les questions agricoles et alimentaires, la mobilité et les transports, l’accaparement des terres ou la santé publique mais aussi les politiques migratoires régionales et européennes comme la situation humanitaire aux portes de l’Europe (morts dans la Méditerranée, situation en Libye, etc…).

Plusieurs activités culturelles et sportives sont en outre prévues.

Vous pouvez soutenir cette importante initiative en faisant un don sur le lien suivant :
https://www.helloasso.com/associations/droits-ici-et-la-bas-diel/collectes/egm-a-kayes-mali-18-21-12-2019

Notes

[1En partenariat avec Droits Ici Et Là-bas, Mouvement pour la Dignité et les Droits des Maliens, Réseau des associations pour le développement du bassin du fleuve Sénégal et l’Association Malienne de Solidarité et de Coopération Internationale pour le Développement et en collaboration avec des entités publiques maliennes.

[2Membre d’Alter Summit

[3Plans d’ajustements structurels, mauvaise gouvernance, Accord de Partenariat Économique notamment.

[4Dans la région du Sahel, les températures augmentent 1,5 fois plus rapidement qu’ailleurs. Cela a d’importantes conséquences sur la pluviométrie locale : il pleut moins et lorsqu’il pleut, c’est souvent dans un laps de temps plus court ce qui entraine des inondations.

[5Avec la présence des géants mondiaux de l’or, Barrick Gold (mines de Loulo et Gounkoto) et AngloGold Ashanti (mines de Sadiola et Yatola).

[6Éthiopie, Jordanie, Liban, Mali, Maroc, Niger, Nigeria, Pakistan, Sénégal, Serbie, Soudan, Tunisie.