Editorial : Construire un réseau effectif

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Le 10 octobre dernier ont eu lieu simultanément deux grèves des services publics en France et en Belgique. Plusieurs des organisations membres de l’Alter Summit soutenaient ce mouvement.

Par Sebastian Franco (coordinateur Alter Summit) - Février 2018

Parmi les revendications communes de ces mouvements de grève, se trouvent l’amélioration des pensions dans le service public le rejet des attaques au statut d’agent public mais aussi en général, le manque d’emplois dans le secteur, le tout dans un contexte de marchandisation et de privatisation des services publics et des biens communs.

Cela montre bien que les contextes d’atteintes aux droits et acquis convergent, que des dynamiques similaires sont à l’œuvre dans les différents pays de l’Union Européenne et que les résistances s’organisent.

Mais force est de constater que malgré la simultanéité des mouvements, très peu de liens se sont tissés ce jour-là, peu de messages communs ont été lancés. Pour ce qui est d’Alter Summit, notre capacité à faire entrer en écho les mouvements reste très faibles, comme l’est notre capacité à renforcer une lutte nationale par une action internationale.

Qu’est-il donc possible de mieux faire au niveau de notre réseau pour pallier à ces difficultés ?

Un premier pas, essentiel, reste la diffusion et l’analyse de l’information nationale auprès des autres mouvements en Europe. Comme l’est le travail de décryptage des enjeux et mécaniques européennes à l’œuvre.
Disposer d’une telle information permet d’améliorer l’anticipation des conflits, permet de favoriser l’adéquation des calendriers et ainsi d’amplifier la visibilité de tels mouvements au niveau européen et global.

C’est pour cette tâche première et primordiale que nous souhaitons engager des ressources de notre réseau pour disposer d’un site d’information/newsletter d’information et d’analyse critique sur les mouvements et luttes à l’œuvre dans nos différents pays. Cela aura d’autant plus de sens que cette information sera largement partagée par les organisations du réseau, à leurs membres, leurs contacts et au-delà au grand public.

Une seconde étape, que nous avons déjà entreprise au travers de nos différente rencontres, est celle de l’élaboration collective de notre message, de nos revendication, et de manière plus lointaines, mais non moins importante, nos aspirations communes, notre volonté de changer notre réalité. C’est une tâche permanente (tant le contexte évolue rapidement et la position des acteurs avec) à formaliser et qui doit être précisée en permanence. C’est ce qu’on pourrait appeler, et pour clarifier le terme, le travail « politique » de notre réseau. Notre Manifeste de 2013 en a été le premier pas.

Cette vision commune d’une Europe (et d’un Monde) alternative se construit par nos propositions concrètes dans certains domaine, comme le changement climatique (juste transition, énergie, transport...), les droits sociaux et économiques (renforcer les droits des européens, stopper la concurrence de tous contre tous), la migration, la précarité et les biens communs et services publics (accès de tous les européens à des services accessibles et de qualité). Mais elle se construit aussi à travers nos débats et discussions sur le pouvoir en Europe, le pouvoir européen et ses institutions, ses stratégies, ses forces et ses faiblesses.

Avoir une vision, un cadre et des propositions communes, adaptés à notre époque, au(x) contexte(s) et qui répondent aux attentes des populations européennes est un outil formidable de convergence. L’enjeu réside pourtant dans son appropriation par toutes les composantes de notre réseau et son utilisation sur le terrain...

Enfin, et c’est peut-être là la plus difficile des tâches immédiates, l’importance de trouver entre nous des mécanismes, qui en cas de luttes/combats/batailles locales/régionales permettent le soutien « effectif » des autres organisations du réseau (à part la diffusion de l’information ou du rappel de notre bagage commun).

En effet, la lutte contre la loi travail en France est la lutte de tou.te.s les européens.nes, le combat des migrant.e.s et de leurs soutiens pour le droit à la vie en Hongrie ou en Grèce nous concerne toutes et tous au premier chef, la criminalisation de syndicalistes en Belgique est une attaque à tou.te.s les syndicalistes européens, le combat contre les énergies fossiles en Allemagne questionne nos pratiques partout en Europe.

Des messages de solidarité sont un geste simple mais apprécié contenant une forte charge symbolique, une présence même minime dans les activités des autres, l’interpellation de ses propres autorités ou acteurs en présence, des mobilisations de soutien (via la chaine de production) sont autant d‘exemples que nous pourrions suivre. Il y en a sûrement beaucoup d’autres, plus ambitieux et sur lesquels nous devrions travailler.

Pour toutes ces tâches qui nous attendent, nous devons réussir à coaliser travailleurs.euses, activistes, syndicalistes, citoyen.ne.s, chercheurs.euses de toute l’Europe autour d’un plan d’action crédible à court, moyen et long terme.