Discours de Sophie Binet (CGT), 1er mai à Hambourg

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Nous retranscrivons ici le discours du 1er mai de Sophie Binet, membre de la direction confédérale de la CGT, lors de son passage à Hambourg, Allemagne.

Chers camarades,

Je tiens, au nom de la CGT, à vous remercier de l’invitation et je vous transmets les salutations fraternelles de tous les militants qui manifesteront aujourd’hui (…).
Je suis très contente d’être à Hambourg aujourd’hui pour trois raisons

1- Fêter ensemble le premier mai

Cette dimension internationale, qui est au fondement du mouvement ouvrier, est très importante aujourd’hui : alors que la finance utilise la globalisation pour mettre en concurrence les travailleurs du monde, nous avons besoin de renforcer nos structures de coopérations internationales, et de les ancrer au plus près du terrain. (...)

Quand nous avons initié le 1er mai, à la fin du 19ème siècle, nous nous étions mis d’accord sur un mot d’ordre commun : la journée des 8 heures. (…) L’enjeu, c’est de « travailler moins, travailler tous et travailler mieux ». (…) Nous souhaitons porter cette question de la réduction du temps de travail avec vous, à l’échelle européenne. (…)

2- Parler ensemble d’Europe

Je suis très touchée que votre initiative nous permette, entre représentants des travailleurs français, allemands et grecs, avec la présence de Manolis Glezos, de fêter les 70 ans de la paix. Après l’horreur des deux guerres mondiales, l’Europe a été construite pour garantir la paix dans la durée. L’actualité nous démontre malheureusement que la promesse des « pères fondateurs » est remise en cause par les modalités mêmes de la construction européenne.

La finance a fait un hold up sur l’Europe. Nous avons aujourd’hui malheureusement la preuve que l’austérité imposée nous enferme dans une impasse économique et conduit à des catastrophes sociales, mais aussi qu’elle menace directement la paix. Nous assistons à un rejet de l’Europe et à une montée du nationalisme très inquiétante dans de nombreux pays. (…)

Alors que la Troika donne des leçons de rigueur à tous les peuples européens, et notamment aux grecs, la position du DGB (Confédération des syndicats allemands) est extrêmement importante pour empêcher que les salariés ne soient montés les uns contre les autres. Votre expression sur la Grèce a été très appréciée. Il nous faut travailler ensemble, avec la Confédération Européenne des Syndicat pour multiplier les initiatives de soutien aux grecs et obtenir que leur vote soit respecté.

Contrairement au débat binaire dans lequel veulent nous enfermer les libéraux et l’extrême droite, la question ce n’est pas pour ou contre l’Europe, c’est quelle Europe nous voulons. Seule l’action coordonnée de toutes les organisations syndicales européennes peut empêcher que l’on monte les travailleurs les uns contre les autres avec des politiques de dumping social. (...)

Nous avons besoin au niveau européen de multiplier les revendications concrètes, à l’image de ce que nous avons fait sur le plan d’investissement européen. Notre plan d’investissement est non seulement un levier pour construire une Europe du plein emploi mais aussi une réponse au drame qui a lieu chaque jour en Méditerranée avec la mort de milliers de migrants. Il est temps de répondre à cet immense besoin de solidarité en mettant en place une politique de coopération Europe/Afrique et un plan d’investissement sur l’accès aux biens collectifs, comme l’eau, la santé ou encore l’énergie.

Les gouvernements, reprenant les revendications du patronat, nous enferment dans une logique de compétitivité coût en faisant de la baisse du "coût du travail" une priorité. Ceci conduit à nous mettre tous en concurrence et à tirer les salaires vers le bas partout en Europe.

Les salaires et retraites ont baissé dans des proportions variant entre 20 et 30% en Grèce, en Espagne, au Portugal et aussi en Roumanie, en Hongrie, dans les pays baltes. De façon générale, la couverture par convention collective ne cesse de diminuer en Europe.
(….)
Alors que nous nous battons contre ce modèle low cost, les mobilisations salariales que vous avez initiées et le salaire minimum que vous venez d’obtenir sont pour nous très importants. Ils nous permettent de démontrer que ce que l’on présente comme étant à l’origine du modèle allemand, les réformes Hartz, sont au contraire ce qui a cassé les régulations et les compromis sociaux construits après guerre et ce qui a ouvert le modèle allemand à la financiarisation. Dites vous bien que quand vous réussissez à gagner une augmentation de salaire dans un secteur, c’est l’ensemble des travailleurs européens que vous aidez à défendre leurs droits.(...)

3- Construire ensemble le syndicalisme du 21e siècle
(...)
Vous vous mobilisez contre les minijobs et la précarité, qui touche notamment les femmes et les jeunes. Nous avons les mêmes préoccupations. Il nous faut, comme vous l’avez fait avec le salaire minimum, renforcer les droits au niveau interprofessionnel. (...)

Jamais les richesses et les pouvoirs n’ont été aussi concentrés : 1% de la population possède 50% des richesses mondiales.

Ce creusement des inégalités se fait parce que les contre-pouvoirs sont affaiblis, notamment les organisations syndicales. Nous avons en France, et je crois que c’est le cas dans de nombreux pays d’Europe, un énorme chantier de reconstruction et de rassemblement des organisations syndicales.

Nous sommes les leviers de résistance à cette logique de marchandisation du monde, nous sommes donc au cœur du rapport de force, notre indépendance dérange et est attaquée frontalement. Le parlement européen commence à débattre d’un projet de directive très dangereuse, sur le secret des affaires. La définition très floue du secret des affaires fait que cela peut concerner tout type d’information : Toutes les informations qui sont aujourd’hui transmises aux représentants des travailleurs, ce qui nous empêchera de les transmettre aux salariés et à la presse(...)

Cette directive remet en cause la liberté de la presse et la liberté syndicale, elle fait primer l’intérêt des multinationales sur l’intérêt général. Nous avons donc lancé un appel européen pour informer et mobiliser les citoyens. L’appel est signé par le président de la CES et 65 organisations syndicales et ONG de 10 pays différents, nous espérons pouvoir travailler avec le DGB sur cette question, comme nous le faisons sur le TAFTA (TTIP).

S’il nous faut être lucides sur les logiques à l’œuvre, il nous aussi faut être conscients de notre force. L’oligarchie mondiale concentre toujours plus de pouvoirs mais est très minoritaire, nous sommes les 99%.

(...) A nous de reprendre le pouvoir face à la finance et d’imposer que les leçons de la crise soient enfin tirées. A nous d’inverser le court des choses pour renouer avec le progrès social !