Par Sebastian Franco
Réseau européen contre la commercialisation de la santé
Depuis l’éclatement de la crise en 2008 et les politiques de restriction budgétaire qui ont suivi ont encore un peu plus affaibli la base publique et solidaire des soins de santé.
Aujourd’hui, la politique économique et commerciale de l’Union Européenne, notamment les négociations autours du TTIP, CETA et TiSA affiche une claire volonté d’ouvrir le « marché de la santé » à la concurrence mondiale.
La crise de 2008 et ses conséquences
La stratégie du choc théorisée par Noémie Klein en 2008 illustre assez bien ce qui s’est produit dans les pays du Sud de l’Europe (et en Irlande) suite à la crise de 2008. Face aux grandes difficultés économiques (déficits budgétaires), des réformes ont été mises en place sous la tutelle des Institutions Européenne (Troïka). En contrepartie d’argent frais pour équilibrer les comptes publics, les pays se sont vus dans l’obligation de couper dans les budgets publics, affectant ainsi considérablement les systèmes de soins et leurs bénéficiaires : exclusion de certaines catégories de la population, privatisations et concentrations, baisses de salaires des professionnels de santé, réduction des remboursements, etc... Ces réformes ne sont pas sans rappeler les réformes structurelles imposées un peu partout dans les pays du Sud par le FMI dès les années 80.
La situation est un peu différentes dans les pays moins durement touchés par la crise des comptes publics et par conséquent par les diminution de budgets. Mais l’austérité qui se prolonge depuis a et aura des effets similaires sur les systèmes sociaux.
Face à cette tendance de fond à la commercialisation des soins de santé, les résistances sont nombreuses. Il y a donc un enjeux important à renforcer la coordination entre elles. Penser les axes politiques unitaires et les outils qui faciliteront cette mise en réseau est une tâche essentielle pour les années à venir.
Au cœur des luttes pour la santé, l’enjeu démocratique
Si la santé est vue comme un droit fondamental de la personne humaine, elle est bien plus que cela. La santé est une conditions essentielle à notre épanouissement en tant qu’individu mais aussi à notre participation active dans la société.
Les choix en matière de santé – la définition des besoins et la meilleure manière d’y répondre - relèvent donc de choix démocratique qui doivent s’opposer aux choix d’entreprises privées (coûteux, poussant à la surconsommation, inégalitaires) et au projet de société qu’elles portent.
Impliquer de larges couches de la société dans la défense d’une santé publique et solidaire renforcerait l’impact des luttes existantes. Qui plus est, les luttes pour la santé bénéficient de la sympathie de larges pans de la société. C’est un élément important sur lequel compter.
Concrètement, cela suppose de travailler, lors des luttes spécifiques, à créer des alliances et à élargir les luttes à des secteurs intéressés à défendre l’accès à la santé dans son ensemble. Cette stratégie s’est avérée efficace en Espagne avec les mobilisations des Mareas Blancas alliant professionnels de la santé, syndicalistes, usagers et citoyens en défense d’une santé publique pour toutes et tous. Ces alliances devraient faire l’objet d’une attention particulière.
De plus, la santé est intimement liée à l’environnement qui nous entoure, au niveau de notre éducation ou encore à nos conditions matérielles. Ce qu’on appelle les déterminants sociaux de la santé expliquent en grande partie le niveau de santé d’une population, plus que le système sanitaire lui-même.
Cette réalité exige de penser nos luttes pour la santé dans toutes leurs dimensions : défendre la santé pour tous, c’est aussi défendre la Planète contre les dégradations qui la menacent mais c’est aussi défendre la justice sociale pour toutes et tous. C’est en soi, un projet de société !
Reconstruire des résistances coordonnées au niveau local
La globalisation des dynamiques économiques – et sa logique de privatisation et de marchandisation de toutes les sphères de la société – a largement affaibli l’impact des résistances traditionnelles et des ressorts politiques de celles-ci. Nos pratiques doivent s’adapter à cette nouvelle réalité.
Reconstruire des liens – espaces de rencontre et de débat, actions communes – entre tous les secteurs victimes des mêmes dynamiques globales au niveau local où la rencontre entre organisations, collectifs et individus est plus facile peut s’avérer fructueux.
Cependant, l’aspect local et territorial ne suffit pas. Les liens avec d’autres réalités plus éloignés est également essentiel. Aujourd’hui de nouveau outils facilitent ces connections.
Pour une journée d’action européenne contre la commercialisation de la santé
Le 7 avril dernier, à l’occasion de la journée mondiale de la Santé, des activités et actions dénonçant la commercialisation et la privatisation de la santé se sont déroulées dans différentes villes européenne (une vingtaine dans 4 pays, Belgique, France, Espagne et Italie).
Une conférence européenne avec des représentants de différents pays ainsi qu’une action devant les institutions européenne se sont également déroulées dans ce cadre à Bruxelles.
Cette première journée d’action européenne a été le lancement d’une dynamique qui verra, nous l’espérons, se mobiliser de plus en plus fortement les acteurs de la santé tous les 7 avril contre la marchandisation de ce secteur.
Le Réseau européen contre la privatisation et la commercialisation de la santé et de la protection sociale a été l’initiateur de la journée mais a pu compter sur la collaboration et participation active de la Fédération Européenne des syndicats de services publics (EPSU), du People’s Health Movement et d’Alter Summit.
Cette journée a donc été un premier pas important dans la mobilisation et la convergence des acteurs de la santé, et plus largement du mouvement social.
Cette journée a été en outre l’occasion de lancer un site internet dont l’objectif est de rassembler informations et témoignages sur la réalité de la commercialisation en Europe. Ce site participatif (on peut y poster de l’information) sera utilisé pour montrer la réalité de la commercialisation mais aussi des résistances qu’elle suscite.
L’édition 2017 de la journée d’action est d’ores et déjà en préparation. Nous invitons toutes les organisations, collectifs et citoyen.ne.s à organiser et prendre part aux mobilisations et activités partout en Europe le 7 avril prochain !
Contact : sebastian.franco@sante-solidarite.be